"J’étais un étranger ", exhortation du père provincial, mars 2022

La question de l’immigration est depuis un certain temps au cœur des débats de société. Une semaine ne passe pas sans que les média ne fassent allusion à des événements dramatiques concernant les migrants tentant de fuir des situations de conflits, de répressions ou de détresse économique ou climatique, par des moyens parfois très risqués. Il est certes connu que l’histoire de l’humanité est ponctuée de phases régulières de migrations, mais ces derniers temps, de nombreux territoires vivent de manière assez inédite, dans une tension de soubresauts souvent dramatiques. Des étrangers souvent des jeunes, des femmes avec leurs bébés, sont parqués aux frontières d’un certain nombre de pays du Nord d’Europe comme d’Amérique. Des barrières s’érigent ici et là. Les mers et océans engloutissent les corps de personnes qui fuient l’Afrique, le Moyen-Orient, le Venezuela, Haïti,… Le sort des migrants interpelle nos consciences, dérange les responsables politiques, déchaîne des controverses et trouble les esprits. L’on est surpris de l’amnésie des “ grands migrants d’hier”. Cette situation inspire soit la compassion et la solidarité, soit les peurs et le rejet.

Peur et rejet se ressentent de plus en plus dans le contexte des pays accueillant, où les politiques renforcent toujours davantage les mesures préventives et dissuasives existantes à l’encontre de plusieurs catégories de migrants. Ce contexte restrictif et répressif favorise la prolifération des intermédiaires, des “ facilitateurs” ou “passeurs” qui représentent parfois le seul espoir d’émigrer. Le risque de tomber dans le piège du trafic des migrants devient par conséquent plus accru. Avant, pendant et après leur périple, ces migrants devront tenter d’éviter l’interception, de franchir les murs (physiques comme virtuels), d’échapper à la mort, de survivre aux contrôles frontaliers, d’éviter l’expulsion, de vivre avec la peur d’être pourchassés, de subir le viol, la détention, de voir leurs droits niés, etc…

Devant le spectacle d’un tel drame que vivent encore dans la chair des milliers de jeunes hommes et femmes, il est clair qu’il est urgent de trouver des solutions sans perdre de vue le fait que ces dernières doivent être trouvées en amont et en aval, c’est-à-dire aussi bien au sein des pays de départ que dans les pays d’accueil. Il est clair par ailleurs que c’est là une question éminemment complexe qu’on ne peut résoudre à coup de pieuses intentions.

Cependant, le pape François nous invitait déjà dans son Exhortation apostolique Christus vivit à nous mettre en condition d’exercer un rôle prophétique vis-à-vis de la société en matière de migration. C’est pourquoi nous ne pouvons pas nous dérober devant la question de savoir ce que nous pouvons apporter comme réponse à notre niveau. Il y’a beaucoup de mouvement des populations au sein de la Communauté Économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO). De plus en plus nous voyons des jeunes et moins jeunes arriver à Dakar ou à Abidjan sans qualification et sans famille d’attache. Qu’attend de nous l’Église notre mère, notre monde d’aujourd’hui ? Quelle pierre pouvons-nous apporter en tant que piaristes nous demandions au 48ème chapitre général, en tant qu’Écoles Pies de l’Afrique de l’Ouest plus précisément ? Considérant la situation géographique de notre province, nous sommes sans doute plus interpelés quant aux solutions en aval : celles qu’il faudrait déployer dans les pays de départ. C’est ainsi qu’une question incontournable se pose à nous :

Pourquoi les jeunes quittent-ils nos pays du Sud ?

À cette question, le pape a sans doute répondu de manière très satisfaisante dans la même Exhortation citée ci-dessus lorsqu’il expose le constat de l’Église en ces termes : « La préoccupation de l’Église concerne en particulier ceux qui fuient la guerre, la violence, la persécution politique ou religieuse, les désastres naturels dus aux changements climatiques et à la pauvreté extrême : beaucoup d’entre eux sont jeunes. En général, ils sont en quête d’opportunités pour eux et pour leur famille. Ils rêvent d’un avenir meilleur et désirent créer les conditions de sa réalisation. (…) D’autres migrants partent parce qu’ils sont attirés par la culture occidentale, nourrissant parfois des attentes irréalistes qui les exposent à de lourdes déceptions. » Dans cet extrait se trouve résumées les raisons principales qui motivent le déplacement massif des jeunes vers le Nord. Une autre question se pose à nous par conséquent :

Que faire en tant qu’Écoles Pies d’Afrique de l’Ouest (EPAO) ?

En réponse à cette lancinante question, nous ne pouvons donner qu’un certain nombre de propositions tout en invitant toute la province à approfondir la réflexion en contextualisant. Il nous faut ainsi :

  • Inclure de manière significative la question de l’immigration dans nos projets éducatifs et pastoraux pour éveiller les consciences des enfants et des jeunes et pour les sensibiliser sur cette question.
  • Renforcer ce que nous faisons déjà dans le cadre de l’éducation non-formelle ou l’éducation populaire (alphabétisation, fermes-écoles, écoles communautaires, activités des centres socioculturels (sports, arts martiaux, danse, théâtre, art, apprentissage de métiers etc.) pour aller chercher et inclure ceux qui sont en dehors du système éducatif d’une part ; et pour donner à ces jeunes des perspectives nouvelles et donc des raisons de rester et de se réaliser chez eux. C’est ici l’occasion d’inviter tout le monde à visiter “le projet Origine” de Thiaroye. Tout cela étant faisable de manière plus substantielle en tissant des liens et des réseaux avec d’autres congrégations, avec des ONG ou des structures qui travaillent déjà dans ce domaine comme ATD Quart Monde – CCFD Terre Solidaire – Apprenti d’Auteuil – CERAS –CIMADE…
  • Créer dans nos paroisses des commissions pour réfléchir et œuvrer dans ce sens en impliquant particulièrement le laïcat piariste dans tous ses démembrements (Mouvement Calasanz, Fraternité, Alumni,…).

Pour finir, il me semble que le moment est venu pour nous, de bâtir une “ culture d’accueil et d’accompagnement” au sein des Écoles Pies. Apprenons à entendre personnellement et “communautairement” le christ nous redire : “ j’étais un étranger et vous m’avez accueilli” !

P. Christian Djinamoto EHEMBA, Sch.P.

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Présentation du Seigneur au temple (Journée de la vie consacrée).

Rencontre de l’assistant chargé du Ministère avec les collaborateurs de nos institutions éducatives et sociales, zone Dakar.

Conseil des Supérieur Majeurs de l’Ordre à Manille (Philippines).

11e anniversaire de l’érection canonique des Écoles Pies de l’Afrique de l’Ouest.

Mercredi des Cendres (Début du Temps de Carême).